L’équipementier français, qui a investi plus de 300 millions depuis 5 ans dans l’hydrogène, devient un acteur incontournable suite à son partenariat avec ElringKlinger. Et il s’ouvre au passage de nouveaux marchés, dont celui des bus et des camions, avec une extension aux trains et même aux avions.
Plastic Omnium a fait le pari de l’hydrogène à partir de 2015. A l’époque, nous avions commencé nos travaux sur les piles de type SOFC. Nous sommes sortis depuis de cette activité pour nous recentrer sur la technologie PEM. Le groupe a fait d’autres acquisitions, avec Swiss Hydrogen – qui est une émanation de Swatch – pour les piles à combustible, et la société Optimum CPV, d’origine belge flamande et spécialisée dans la conception et la production de réservoirs en composite filamentaire pour le stockage à haute pression de l'hydrogène. Cette dernière est par ailleurs l’éditeur d’un logiciel de référence pour la simulation de l’enroulement filamentaire de la fibre de carbone. Le partenariat avec ElringKlinger nous permet de renforcer notre expertise avec une offre qui couvre l’ensemble de la chaîne. 2020 aura donc été pour nous l’année de la convergence avec un écosystème complet.
Il y a en fait deux volets. Nous avons d’abord monté une joint-venture qui a pour nom EKPO Fuel Cell Technologies. Elle concerne la pile à combustible au niveau du stack. A travers cette structure, nous accédons au savoir-faire d’ElringKlinger qui a 20 ans d’expérience dans le domaine de la pile. Cette société basée à côté de Stuttgart dispose d’un portefeuille de plus de 150 brevets sur les technologies SOFC et PEM. Elle bénéficie également de ressources humaines, avec 150 experts, et d’une capacité de production. ElringKlinger a mis en place une ligne automatisée dont la capacité est de 10 000 piles par an. C’est l’une des plus grosses du monde. Ce ticket d’entrée à 100 millions d’euros, avec une part de 40 % au capital, nous permet d’accéder à un catalogue très riche. Notre partenaire a une gamme de piles d’une puissance de 10 à 150 kW, voire 300 kW. ElringKlinger nous permet de faire un pas de géant, dans la mesure où il maîtrise à la fois la pile, les plaques bipolaires et des éléments-clés comme les joints d’étanchéité, les capteurs et même l’électronique de contrôle. C’est donc un produit fini que nous pouvons livrer, avec une technologie métallique à la densité de puissance très élevée. Le second volet concerne l’acquisition de la filiale d’ElringKlinger en Autriche, spécialisée dans les systèmes hydrogène intégrés. Cet investissement nous coûte 15 millions de plus. Et nous allons continuer à investir à raison de 100 millions par an.
C’est énorme en impact et cela nous ouvre de nouveaux marchés. Si vous regardez bien, nous avons décroché un contrat pour fournir des réservoirs au fabricant néerlandais de bus VDL. C’était avant notre annonce de partenariat. Entre-temps, ElringKlinger a annoncé la fourniture de piles pour le même client. Ce sont donc PO et EKPO qui vont conjointement assurer l’intégration des piles et des réservoirs. Nous avons la capacité d’adresser la totalité du marché, avec des solutions proposées par appartements ou en totalité. Selon les clients, c’est un savoir-faire que l’on peut livrer clés en main. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’en plus des bus et des camions, nous pouvons même fournir nos composants pour des trains et des avions. ElringKlinger est par exemple le partenaire d’Airbus pour la mise au point de l’avion à hydrogène de 2035.
Notre vision est qu’il y aura 2 millions de véhicules à hydrogène à l’horizon 2030 et 200 000 à partir de 2025. Une très grande majorité seront des utilitaires, des véhicules de livraison, des camions et des bus. Nous estimons que la technologie sera mûre à partir de 2025 pour les véhicules particuliers et que ce marché va décoller en 2027. La vision de Plastic Omnium est que l’hydrogène sera complémentaire du véhicule électrique à batterie. Il ne faut d’ailleurs pas opposer les deux technologies et d’ailleurs il y a une batterie dans les véhicules à hydrogène, ne serait-ce que pour apporter de la flexibilité et plus de puissance. Selon les catégories de modèles, la pile à combustible pourra être utilisée comme range extender ou comme élément principal de la propulsion. Par exemple, au sein d’un même véhicule, la batterie peut assurer l’autonomie au quotidien, alors que l’hydrogène peut prendre le relais pour rouler en mode zéro émission sur de grandes distances. Par contre, pour des bus ou des camions de transport sur de longues distances, on sera sur du 100 % hydrogène.
Pour bien comprendre, si vous intégrez entre 1500 et 2000 kWh de batteries sur un camion électrique, c’est un poids supérieur à 12 tonnes. De plus, il faut prendre en compte le temps de recharge. Il y en a pour 10 h la nuit, en étant branché sur une borne à 150 kW. Et si vous voulez recharger en mode rapide, il faut un point de charge à 3 MW, et ce pour un seul camion. Si vous voulez refaire le plein en simultané pour 20 camions au sein d’un dépôt, il faut installer un transformateur de plusieurs dizaines de MW avec un investissement colossal.
Ils vont beaucoup se développer dans les 3 à 5 ans qui viennent. Pour nous, c’est un challenge car nous avons affaire à de nouveaux acteurs, comme les intégrateurs qui veulent « hydrogéner » des véhicules électriques à batteries. Nous discutons aussi avec de nouveaux entrants, des livreurs de colis et même des villes. Sur un plan commercial, cela remet un peu en cause notre modèle économique classique.
Vous savez, nous sommes le numéro un mondial du stockage d’énergie. Nous maîtrisons donc le carburant, l’électricité et bien sûr l’hydrogène. Même si le stockage à l’état gazeux est la solution prédominante aujourd’hui, en particulier sur la pression à 700 bars, nous avons également des activités de recherche sur l’hydrogène à l’état liquide et cryogénique, ou des solutions de stockage solides.
Ce que l’on peut dire, c’est que les motorisations s’électrifient. Les constructeurs ont fait un énorme effort en développant des plateformes multi-énergies, à la fois en termes de budget et d’organisation. Ils peuvent donc mixer des solutions en fonction de l’usage. Et dans ce schéma, l’hydrogène a sa place. On peut souligner que la France a des acteurs de premier plan. Avec Plastic Omnium, ou encore Faurecia et Michelin, à travers leur joint-venture Symbio, les équipementiers sont bien placés dans la course.
Nous avons notre site Alphatech à Compiègne, Deltatech en Belgique et Omegatech en Chine. Ce dernier site se situe à Wuhan, qui est un peu l’« hydrogen city » en Chine. Ce marché est d’ailleurs en pleine ébullition, avec une volonté forte des pouvoirs publics de faire venir de nouveaux acteurs. Nous avons donc tous les atouts pour adresser les marchés européens et asiatiques.
J’étais présent à la conférence organisée par l’AFHYPAC, et au cours de laquelle Barbara Pompili et Bruno Le Maire sont venus détailler la stratégie nationale. C’est important d’avoir le soutien des pouvoirs publics, de façon à procéder à la structuration de la filière. Je crois que 2020 aura été vraiment une année de bascule. Les perspectives sont vraiment encourageantes. Après les plans engagés par l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Europe, on attend l’annonce du prochain plan quinquennal chinois qui, j’en suis sûr, comportera un volet sur l’hydrogène.